Chang’ez de face
C’est fait. Après des années de préparation, la sonde chinoise Chang’e 6 fait route vers la Lune. Elle se posera sur la face cachée avec deux missions importantes. Analyser le radon et récupérer 2 kg de matériaux pour les rapporter sur Terre.
La Chine multiplie les missions en direction de la Lune depuis plusieurs années. On pense notamment à Chang’e 4 qui s’est posé sur la face cachée de la Lune en 2019. Puis à Chang’e 5 qui a permis à la Chine de récupérer des échantillons lunaires.
- Il y a 5 ans, la sonde Chang’e 4 se posait sur la face cachée de la Lune
- Chang’e 5 : la Chine récupère les échantillons lunaires, la mission est un succès sur toute la ligne
Vendredi, c’est la mission Chang’ 6 qui a décollé de la base de Wenchang (île de Hainan) à bord d’une fusée Longue Marche-5. Le voyage « va durer 4 ou 5 jours jusqu’à l’orbite lunaire, avant de se poser près du pôle Sud de la Lune début juin » (2 juin pour être précis, vers 10 heures du matin heure locale lunaire), explique le CNES. C’est plus exactement le bassin Aitken, mesurant 2500 km de diamètre, qui est visé.
Un replay du lancement est disponible par ici.
DORN aura 48h pour étudier le radon
La France est partenaire de la Chine dans cette mission. Elle a fourni l’instrument DORN (Detection of Outgassing RadoN). Ce nom est également en hommage au physicien, Friedrich Dorn, ayant découvert le radon.
Il a été conçu et réalisé (pendant quatre ans) à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie, sous la maîtrise d’ouvrage du CNES et en collaboration notamment avec le CNRS. « Après un demi-siècle, DORN marque le retour de la France à la surface de la Lune », explique Francis Rocard (planétologue, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES) dans The Conversation.
Sa mission est « d’étudier le radon, un gaz produit de façon continue dans le sol lunaire ». Les mesures vont se faire en orbite, mais aussi sur place. L’instrument aura peu de temps pour le faire. « DORN s’activera alors pour 48h : la quantité d’énergie disponible est limitée et l’atterrisseur doit réaliser plusieurs missions », explique le CNES. Le bassin Aitken a un avantage certain : « Avec ses 10 km de profondeur, il représente la région lunaire où l’altitude est la plus basse et l’épaisseur de la croûte parmi les plus fines ».
Du radon à « la présence de glace d’eau aux pôles »
« En résumé DORN va étudier le dégazage lunaire et le transport des gaz dans le régolithe (et donc contraindre les propriétés thermophysiques du régolithe qui les contrôlent), leur transport dans l’exosphère, le transport de la poussière du régolithe et remonter à la teneur en uranium dans le sol », ajoute Francis Rocard. Il rappelle que le Radon a déjà été détecté autour de la Lune par les missions Apollo 15 et 16 (1971-1972), Lunar Prospector (1998-1999) et la sonde japonaise Kaguya (2007-2009).
Pour le CNES, « comprendre le transport du radon sur la Lune, c’est aussi toucher du doigt le transport des molécules d’eau et appréhender la présence de glace d’eau aux pôles de la Lune ».
L’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) rappelle que, sur Terre, le radon et ses descendants radioactifs sont utilisés « comme traceurs et géo-chronomètres des échanges entre lithosphère, hydrosphère et atmosphère, et comme traceurs du mouvement des fluides (eau et masses d’air) qui les transportent ».
Ramener 2 kg sur Terre
La mission doit aussi permettre de rapporter près de deux kg d’échantillons lunaires sur Terre. Si la mission est un succès, ce sera une première depuis la face cachée de la Lune : « Une capsule redécollera ensuite de notre satellite naturel avec 2kg d’échantillons lunaires à son bord – les premiers échantillons prélevés sur la face cachée. Ils seront transférés à un orbiteur, jusque-là en attente en orbite autour de la Lune, qui les rapportera dans le nord de la Chine une vingtaine de jours plus tard ».
Francis Rocard explique que les échantillons « pourront aussi être analysés en laboratoire et ces analyses pourront être comparées à ce que DORN aura mesuré directement dans l’environnement lunaire ».
La suite se prépare, avec une station lunaire
La suite du programme est déjà connue, comme le rappelle Le Monde : « Chang’e-7 devra explorer le pôle Sud lunaire à la recherche d’eau [en 2026, ndlr], tandis que Chang’e-8 tentera d’établir la faisabilité technique de la construction d’une base lunaire, Pékin affirmant qu’un “modèle de base” sera achevé d’ici à 2030 ».
Francis Rocard y va aussi de son analyse : « Au-delà, la Chine annonce vouloir développer une station de recherche automatisée au pôle Sud (ILRS) ouverte à la coopération internationale et qui serait à terme visitable par des taïkonautes ».